7/27/2011

« Habiter un pont ». Le prix de l'audace !

Présidée par Manuelle Gautrand, le jury du concours Acier, de ConstruirAcier, a désigné ses lauréats le 25 mai dernier. Ce concours, dédié aux étudiants architectes et ingénieurs, vise à promouvoir la construction métallique et ses utilisations multiples. 94 équipes issues de 22 écoles différentes ont alors soumis un projet de « pont habité » proposant aussi bien des greffes à des ouvrages existants que des constructions à part entière. Peu de contraintes pour un maximum de possibilités : de quoi donc stimuler les imaginaires de chacun. Un projet retient ici notre attention : celui proposé par une équipe bordelaise, dont l'un des membres est passé dans nos rangs.
Fabien Sanz, Rémi Morgat, Antoine Esnard, Mailys Sarrazin, ENSAP Bordeaux. Prix de l'audace du CONCOURS ACIER2011, initiative de l'association ConstruirAcier
Des multiples contributions d'étudiants, apportant des réponses au thème retenu cette année pour le concours Acier de ConstruirAcier – « Habiter un pont, une aubaine urbaine ? » –, on retiendra surtout celui qui a suscité la curiosité du jury par son étonnante proposition. Mention de l'audace, le projet conçu pour le pont d'Avignon interroge la capacité de l'architecture contemporaine à s'inscrire dans la ville ancienne. Dans un site chargé d'histoire, les futurs architectes font, en effet, une proposition pour le moins contemporaine, voire futuriste mais qui plonge pourtant ses racines dans les plus anciens récits, en s'accrochant aux édifications existantes. La mise en relation des deux structures, ancienne et nouvelle, n'a pas seulement pour vocation d’établir un lien fonctionnel entre les deux rives. Le vocabulaire classique est en effet réinterprété. L'architecture s'affiche ainsi avec une certaine rondeur. L'arche nouvelle, plus souple, se vrille et s'enfonce dans la rivière, tandis qu'un tablier droit et rigide relie les deux rives disjointes depuis la destruction du pont ancien par une crue voilà plus de trois siècles. La nouvelle construction rappelle inévitablement les animaux mythiques des rivières et des lacs. Elle vient ajouter une part légendaire à ce pont qui demeurait jusque-là sans emploi, trace d'un désastre désormais invisible. Les écailles dorées du projet bordelais laissent entrevoir toutefois la complexité intérieure d'un bâtiment dévolu à un équipement culturel, notamment dédié à la danse, clin d’œil à la chanson qui rend la ville célèbre auprès des tout petits…
Ce pont habité nous parle donc du lieu, mais il compose aussi à ce site singulier une nouvelle histoire et crée une mythologie contemporaine embrassant le fleuve et la cité. L'histoire de la ville nous enseigne déjà que le Rhône est porteur de récits qui constituent la culture et la mémoire d'Avignon, mais l'équipe d'étudiants a su nous transporter dans un univers singulier. En rapport étroit avec le site, ce projet est une porte ouverte sur l'imaginaire, un lien entre fiction et réalité, une audace, finalement, tout ce qu'il y a de plus sensée.
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Hélène GRIALOU


Sur le pont d'Avignon…
Détruit deux fois par les crues du Rhône, fleuve fantasque, le pont Saint-Bénezet à Avignon reste inachevé depuis le XVIIsiècle. La « cité des papes », perchée sur son rocher, contribue à brosser le tableau d’un patrimoine cristallisé. 
Face à ce lourd héritage, qui s’ouvre aussi à nombre d‘expressions culturelles et corporelles, une nécessité : ouvrir de nouveaux horizons, en offrant  à la ville un nouvel équipement, atypique et multifonctionnel, symbole d’un renouveau. Projet manifeste, éloge du contraste, il tente de mettre en résonance la ville traditionnelle avec la ville contemporaine. Réadaptation du vocabulaire classique, le projet abolit le triptyque piles-arcades-tablier, fondant ce staccato en un élément global, une structure spatiale réticulée auto-stable, qui remplit toutes ces fonctions, et symbolise les temps modernes. Un tablier franc, ligne tendue dans le paysage, continuité et prolongement de l’histoire, s’élance vers l’avenir.
Autour du nouveau tablier, les programmes ondulent, abolissant les perceptions spatiales en une forme organique, sans dessus ni dessous, sans haut ni bas. L’acier, par ses capacités structurelles, autorise un vocabulaire architectural libéré et porteur de sens.
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(texte de présentation du projet)
images en grand format HD : 0102 et 03